Avant la permanence...

De la susceptibilité dans l’âme

Au début donc, ce fut le langage hors de la première vision qui apparut comme le lien entre nous. Une réalité verbale, identique à l’écho de ta voix, qui signifia ta présence. Le son provenant de ta bouche comme représentation singulière.

Comment le verbe allait-il engager la rencontre pensai-je, comment ces mots mis bout à bout allaient-ils réduire à néant l’image subliminale que tu proposerais à mon cortex ?

Car, je ne te l’apprends pas, la persistance rétinienne que me propose ton être est sans cesse en conflit avec ce phénomène de séduction propre à chaque être humain. Car, sans séduction nous n’existons pas.

En premier lieu donc, séduction par l’image, puis séduction par la voix, son intonation, sa force et son insouciance d’un quelconque jugement.

Autrui peut aller se rhabiller.

Aussi les phrases que tu épelles et affirmes sont-elles le support et le cadre de l’affirmation de ta représentation physique ; autrement dit l’acclamation de ta beauté. Voilà comment se dévoile un secret : quand la susceptibilité qui est tienne devient mienne à force de respect puis d’audace.

Je fragmente ton corps par des clic-clacs Kodak imaginaires.

Tes mots me réprimandent.

Je découpe ta ligne de charme avec un obturateur virtuel que ma conscience manie.

Tes mots me statufient.

Je cadre le port de ton visage maintenu par ton chignon altier et fait la mise au point sur le bleu ultramarin de tes prunelles.

Tes mots recadrent ma pensée.

Je lance en rafale mon voleur d’âme sur tes gestes lorsque tu te recoiffes. Mon appareil photographique invisible crépite lorsque tu me tires la langue.

Tes mots interdisent toute digression. 

Alors, je t’observe assise en tailleur et appuie sur le déclencheur fictif pour sanctifier ta position, puisqu’elle est là pour cela.

Tes mots inquisiteurs sont là comme protection.

Pour finir, je décortique à cinq images par seconde ta possibilité d’être.

  La susceptibilité s’est évanouie, laissant place à l’écoute.

Nos mots ne s’entrechoquent pas, ils s’allient.